Le 10 mai 2017, suite à la lecture de Révolution, dans un article intitulé: « Emmanuel Macron, une nouvelle gouvernance, un nouveau mode de pensée et d’action. », j’écrivais: « Ainsi, dans l’intention positive de développer une action politique adaptée, concertée, responsable et empathique, Emmanuel Macron semble jeter les bases d’un renouveau indispensable à la mobilisation de toutes les énergies créatives de notre pays ». Je le concluais en déclarant restée attentive quant au déroulement du quinquennat.
Dans un second article daté du 1er mars 2019, j’analysais – en rapport avec l’expression « en même temps » souvent moquée – une gestion politique qui jusqu’à lors prônait la conciliation du passé et de la modernité, association qui reposait sur la concertation, le pragmatisme et l’ambition volontaire. Sous la lumière des faits, j’aboutissais à la conclusion suivante: « Pour l’instant, il (le président) a malheureusement trop valorisé la deuxième conception (valeur de la modernité) au détriment de la première (valeur du passé). »
Que l’on ne s’y trompe pas, j’aime trop le mouvement de la vie et ses inattendus pour regretter le passé. je ne souhaite donc pas un retour en arrière et aux traditions sclérosantes. Tout ce qui se fait de nouveau m’intéresse et je puise dans les nouvelles technologies tout ce qui peut contribuer à un monde meilleur. J’aime la jeunesse, son dynamisme et sa créativité c’est pourquoi je la soutiens sans relâche dans ses projets et la rassure face aux doutes ou inquiétudes qu’elle peut rencontrer. Conjointement, je ne peux oublier une chose essentielle: mes valeurs. Profondément humaniste, je n’idolâtre pas le progrès mais j’entretiens avec lui un regard critique et distancié indispensable à la possibilité de ses dérives. Trop d’intérêts et de profits sont en jeu.
Aujourd’hui, par son attitude, ses propos et ses choix, Emmanuel Macron démontre qu’il n’applique pas ce qu’il avait promis. Il n’y a pas de « en même temps ». Tant de faits en témoignent: la négligence de la Culture dans tous les domaines (médicales, artistiques, scolaires etc.), la focalisation sur un seul paramètre, l’absence de concertation et quand elle est présente, la négligence de ses constats. Il n’y a pas de relations constructives et logiques avec un passé, l’histoire et les valeurs fondatrices de notre société. Au contraire, nous assistons à l’application d’une volonté délibérée de rupture considérant toutes celles et tous ceux qui s’y opposent comme des antiprogressistes primaires, des idéologues vieillissants, des anarchistes, des marginaux fatalement récalcitrants voire des criminels. Un tel mode de réflexion correspond bien au mode binaire de la technologie numérique.
Permettez-moi de prétendre, au nom de mes valeurs qui me paraissent toujours essentielles et non obsolètes, qu’un autre mode est possible afin de favoriser un monde dans lequel la jeunesse ne regarde pas son histoire comme une entrave mais comme une richesse, un principe d’ouverture favorable au monde et à l’avenir. En signant la fin du « en même temps », Emmanuel Macron ne fait pas que trahir son intention première et entretenir les désillusions politiques, il traumatise la société française par sa brutalité, et ouvre la voie aux attitudes les plus réactives et réactionnaires. Tout en appliquant le principe de certitude, associé à la marche forcée, sur un thème complexe et incomplètement compris par le monde scientifique, il valorise le conflit et met aux oubliettes ce qui doit être le coeur même de nos sociétés démocratiques: le dialogue, la rencontre, la combinaison des savoirs.
En 2017, le futur président déclarait dans interview à Mediapart qu’il souhaitait « passer de la compétition qui mène à la cupidité à une coopération qui reconnaît les talents ». Des propos, comme toujours, fort nobles mais l’utilisation abusive de la grandiloquence ne cache plus aujourd’hui la vacuité du discours lorsqu’on le confronte à la réalité des faits. Et c’est à partir de ces derniers, que j’ai observés quotidiennement lors de ce quinquennat et plus particulièrement lors de cette crise, que je déclare:
Face à la gestion politique, au choix de la crispation et de l’exclusion, il n’est plus possible, au nom de mes valeurs, de ne pas me poser – en conscience – la question d’une compétition menée par toujours plus de cupidité tandis qu’il me paraît plus raisonnable et juste de favoriser une coopération, des relations qui reconnaissent et accompagnent les talents de tous. Ceci pour établir une articulation positive entre ce qui nous fonde, ce qui nous anime et les promesses d’un à venir où Liberté, Egalité et Fraternité ont toujours un sens.
Simandres, le 28 janvier 2022